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LES P'TITES HISTOIRES
Pour les Petits et Grands N'enfants ...

LES CARRIÈRES DE FONTAINES par Michel Bonnot

  Autrefois Fontanœ puis fontes, Fontaines est une commune de Saône-et-Loire située entre Châlon-sur-Saône et Beaune. Ce village viticole de Bourgogne doit son nom aux nombreuses sources qui jaillissent de son territoire, et bien entendu, qui dit sources dit fontaines, lavoirs, puits et abreuvoirs... Ils proviennent tous des fameuses carrières de Fontaines, déjà exploitées à l'époque gallo-romaine.

  L'histoire de ces carrières durera 23 siècles pour s'éteindre doucement à la fin des années 1960. C'est pour raconter ce long passé que vient de paraître l'ouvrage de Michel BONNOT : « Mémoire de pierres : histoire des carrières de Fontaines ».

  Résultat de recherches assidues qui ont débuté en 2013, ce témoignage exceptionnel est né de la collaboration entre un auteur, de formation universitaire, d'associations fontenoises - « Le Vieux Fontaines » et le « Groupe de Recherches et d'Etudes Fontenoises » - et des Fontenois passionnés par l'histoire de leur village.


Michel BONNOT nous en propose ici un extrait

  A FONTAINES, au dessus du quartier Saint Nicolas, l'exploitation en carrières de la pierre de taille a profondément marqué le paysage. Et encore n'en voyons-nous que ce qui en subsiste aujourd'hui, et que les cartes appellent : carrières « blanches », carrières « rouges ». Certaines sont encore accessibles ; d'autres sont désormais envahies par une végétation exubérante de buis moussus, de petits chênes et de ronces. Les plus anciennes ont disparu, autant de la géographie que de la mémoire des hommes. Seul l'avion, ou le satellite, permet, comme en recherche archéologique aérienne, de discerner les traces subtiles de cette très ancienne activité humaine.
  Par le fait, nos carrières portent témoignage de l'histoire économique et sociale de notre village et constituent un aspect peu connu de notre patrimoine.



Vue aérienne des carrières de Fontaines en 1960

1 - La « Pierre de FONTAINES »

   Les carrières de FONTAINES ont été exploitées dès l'époque gallo-romaine, puis au Moyen-âge ; très activement dans toute la seconde moitié du XIXe siècle et, au cours du XXe, jusqu'aux années 1960.
  Les études pétrographiques ont montré que la « pierre de Fontaines » avait participé à la construction, tant de la « porte d'Arroux » à Autun, qu'à celle de chapiteaux de la cathédrale Saint-Lazare, ainsi qu'à la sculpture de la « tentation d'Eve », exposée au musée Rollin d'Autun.
  Elle a servi également à l'édification de l'église de Fontaines à la fin du XIIIe siècle (la pierre était alors extraite souterrainement), et plus tard, de nombreux monuments en Saône-et-Loire ou en Côte-d'Or : monuments aux Morts de 1870 à Nuits-Saint Georges ; de la guerre 1914-1918 à Fontaines, Verdun-sur-le-Doubs, Virey-le-Grand, Champforgeuil ; églises de Farges, Allériot, Corpeau, Santenay ; mairies de Farges, d'Ecuisses ; école de viticulture de Beaune…


Vue d'une des carrières de Fontaines

  Certaines intercalations de la roche ont donné lieu à l'exploitation de pierre lithographique destinée à l'imprimerie.
   Au quartier « des Fontaines », il subsiste encore, enchâssé dans un mur, un beau symbole : une croix, un marteau de carrier, et une date : 1618.


Vue d'une des carrières de Fontaines

  Le lieu-dit « Le Fourneau » , dans le même quartier, rappelle qu'existait là un four à chaux et à tuiles, appartenant à François GUENOT, maître-carrier, établi non loin.
  Le « dénombrement » (= recensement) du 12 avril 1891 fait apparaître la présence à FONTAINES de dix exploitants-carriers. En 1899, les carrières occupent entre 40 et 50 ouvriers.
  L'exploitation de la pierre de taille cesse en 1963. Mais là ne se termine pas l'histoire des carrières. Elles connaissent en effet à partir de 1964 un renouveau, avec l'exploitation de roche à remblai au profit de l'autoroute A6, en construction. Toute la partie nord-ouest de la montagne Saint-Hilaire est alors sollicitée.

  Mieux (ou pire) : entre 1967 et 1969, un cimentier projette d'implanter une cimenterie industrielle près de l'actuelle zone artisanale des Ormeaux, qui serait reliée aux carrières par un transporteur aérien. Elle prévoit une production de 400 000 tonnes de ciment par an. C'est un tollé général : FONTAINES, RULLY et CHAGNY se joignent aux viticulteurs pour crier leur opposition au projet ; les politiques locaux et régionaux soutiennent leur action. Devant l'unanimité de la révolte, le projet finit par avorter, 5 ans plus tard.
  Enfin, jour après jour, les carrières s'envahissent de végétation. La pierre retourne à la nature.

2 - Carriers et tailleurs de pierre


Carriers et leurs familles en 1893 (MARTIN Frères)

  Rudes métiers que ces métiers de la pierre.
  Gérard BOUTET écrit :

« Les criminels n'en bavaient probablement pas autant qu'un carrier. Il arrachait de la pierre à bâtir du matin au soir, 6 jours sur 7 quand il y avait demande, les 12 mois de l'année, par grands froids comme par chaleur accablante. L'ouvrage ne connaissait aucune saison de répit. On s'habillait plus ou moins chaudement, selon la température du moment, mais on suait tout pareil en frimas et sous la canicule (… )».

  Il arrivait même qu'on y meure, aux carrières. En témoignent ainsi les registres paroissiaux : Jean QUARRE (35 ans) et Georges TOURNEMOTTE (22 ans), morts écrasés « dans la perrière de Fontaines qui leur est tombée dessus » (10 décembre 1701) ; ou encore Etienne GEREUX et Jean DAGAN, « manouvriers », travaillant à tirer du pavé dans la « perrière de FONTAINES » pour le grand chemin de Châlon à Dijon, « morts écrasés sous les butins de la dite perrière » (7 mai 1714)…

  Métiers manuels aussi, aux outils dont les noms portent des consonances oubliées : « L'escoude », pic à 2 pointes ; la « scie-crocodile » ou le « passepartout », pour le sciage manuel de la roche ; la « pince de carrier », encore appelée « Marie-Jeanne », sorte de longue et forte barre à mine à talon pour le levage ; et bien sûr, les traditionnels coins en bois ou en fer, les masses, massettes et autres « bouchardes » ; marteaux « polka », « têtu » ou « brettures » etc…tous outillages déjà utilisés dans l'Antiquité et au Moyen-âge, lorsqu'on construisait « à la main » les châteaux, les églises, et même les villes.

3 - Familles fontenoises

  Jusqu'à l'époque contemporaine, les carrières de FONTAINES occupaient de nombreuses familles (car les métiers de carrier et de tailleur sont souvent des métiers qui se transmettent de père en fils, et qui s'apprennent « en faisant »).
  On évoquera brièvement, au long de l'histoire, ces dynasties de carriers : Les GUENOT (Claude, Marius, Louis, François, Jacques, Maurice, Jean-Marie…) ; CAILLET-RIBOUX ; MARTIN ; ROUBERTIE (Pierre, Léon, Léonard, Jean..) ; PLISSON ; TOUZEL-GAUTHEY (Louis, Denis)…
  Et ces autres dynasties de tailleurs de pierre, aux ateliers établis directement sur le site : Un BOURDIN Jean en 1666 ; les GUENOT (Jacques, François, Marius..) ; DUPOUX (François, Marius, Louis, Claude)…qui travaillent les uns avec les autres jusqu'au jour où le père cède sa place à l'un ou l'autre fils.
  Carriers et tailleurs de pierre font travailler d'autres corps de métiers : maçons ; « faiseurs de chaux », tels Pierre PROTHEAU (mentionné en 1729) ; GUENOT Jacques et Claude ; ou encore des transporteurs pour les blocs de pierre (PLISSON ; RUSTAND..). Et FONTAINES, village de vignerons jusqu'au début du XXe siècle, bénit tous ces gens que la poussière assoiffe !


Facture de l'entreprise MARTIN Frères (1895)
  Ainsi va l'Histoire, au gré de la petite histoire des hommes. Chacun de ces carriers, chacun de ces tailleurs de pierre, a fait sa trace dans l'humain cheminement ; puis il est parti humblement, discrètement. FONTAINES peut se souvenir d'eux : son église, nombre de ses murs et de ses maisons, les traces particulières laissées dans la pierre par leurs outils , les parties souterraines des ruisseaux qui parcourent le village…. témoignent de leur présence toujours actuelle.

  Vous qui passez par les anciennes carrières de la Montagne Saint-Hilaire, tendez bien l'oreille : on entend parfois, lorsque le soir est calme, les coups sourds des masses ; le craquement de la pierre qu'on abat ; le ronronnement du fil-de-coupe qui scie la roche ; le halètement de la grue qui lève les blocs ; et même, s'éloignant vers le canal, le grincement des charrois. Mais vous n'êtes pas obligés de me croire…
Michel BONNOT

Une publication : « Mémoire de pierres-Histoire des carrières de Fontaines ».
ouvrage de 116 pages - format A4 - illustré de 130 photos et illustrations. Prix public : 19 €

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