Je me disais que cette habitude des collecter ces petits trésors de cailloux était une manie un peu ridicule,
jusqu'à ce que je découvre par hasard un dénommé Luigi Lineri.

Cet italien vit dans la région de Vérone, plus précisément dans le village de Zevio située sur le fleuve Adige. Luigi se balade souvent le long du fleuve en contemplant ses berges et ses eaux peu profondes.
Et là, des belles pierres, il n'en manque pas.

  Tout commence lorsqu'un jour, il prend dans sa main une pierre pas tout a fait comme les autres. C'est certain, elle n'a pu être façonnée que par un humain dans un passé lointain. Submergé d'émotion, les questions se bousculent dans sa tête. Comment et où vivait-il, à quoi pensait-il au moment de créer cet outil ?.. Mais était-ce bien un outil, il s'agissait peut-être d'une arme ou alors tout simplement d'une sculpture. Une passion pour la préhistoire commence à voir le jour et Luigi veut découvrir leur mode d'existence.

  Et puis il continue a ramasser d'autres pierres, de toutes formes, voyant là, une visage humain ou animal, ici un corps ou bien une forme abstraite et douce qui aurait pu naître des mains du sculpteur Henry Moore.

Luigi accumule les pierres et doit même consacrer une des pièces de sa maison en sous-sol afin d'entreposer ses précieuses trouvailles. Les pierres y sont triées une à une en fonction de leurs caractéristiques.   Certaines sont minutieusement fixées sur des petits panneaux de bois afin de mettre en valeur leurs contours et ces présentoirs commencent a envahir les murs. Les pierres plus figuratives, et plus chères aux yeux de Luigi, sont dressées sur de petits socles rustiques.

  Mois après mois, années après années la collecte passionnelle de Luigi Lineri se poursuit.
Il arpente inlassablement les berges du fleuve Adige, scrutant les amoncellements de galets et recueillant les pierres qui ne demandent qu’à retrouver leurs congénères, comme on rassemble une famille.

  Et toujours avec l'espoir de découvrir de nouvelles formes évocatrices.

  Dans la pièce qu'il réserve, chaque espace est exploité, mais la place manque très vite. Alors, de simples caisses sont parées de pierres, les poutres font un magnifique support et l'escalier n'est pas oublié. Des tables, des chaises et des étagères encombrent le moindre vide. Des pyramides s'élèvent jusqu'au plafond, ornées à leur sommet des pierres figurant les flammes d'un bûcher.

Luigi dit :

- "Je ne les ai pas comptés et je n'ai pas l'intention de le faire, mais la quantité est importante"
- "Au début, je pensais que quelques pierres pour chaque forme différente suffiraient et puis j'ai compris que par milliers, elles donnent un sentiment de communauté"
- "Pour moi la quantité est sacrée : il en faut beaucoup pour construire une cathédrale"
- "Quelqu'un m'a dit que j'étais obsédé mais si je le suis, c'est pour mieux comprendre l'esprit de l'homme primitif"

- "Quand les gens voient les pierres, leurs réactions diffèrent. Certains rient, d'autres pleurent"
- "Il y a une forte énergie dans cet univers fait de pierres et quiconque les touche doit le faire avec respect et bon état d'esprit"
- "Chaque jour, j'essaie de remettre les pierres en ordre, de donner un sens à chaque chapitre de ce poème"

Luigi espère qu'un jour quelqu'un s'occupera de sa collection.
Mais il envisage également de les remettre dans le lit de la rivière...