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| Une idée plus ou moins élaborée, un simple croquis de coin de table, la grâce d'un mouvement ou un songe prenant peuvent mener au désir de sculpture. Alors, comme le peintre jette son idée sur sa toile après quelques trait de fusain, le sculpteur fouille la matière pour tenter de matérialiser sa vision artistique...
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| | Le geste intuitif ?
La sculpture en taille directe se passe donc d'un modèle qu'il s'agirait de reproduire le plus fidèlement possible. Place au geste et à la sensation, la sculpture prend forme. Mais attention, en taille directe la moindre erreur se paie cash, plus de retour en arrière possible... Alors pour ne pas risquer de gâcher la matière ou afin de ne pas trop s'éloigner de son projet, une certaine approche et un peu de maîtrise sont nécessaires.
Quelques notions de dessin, le respect des proportions, une bonne perception des volumes et bien évidemment la connaissance du matériau et de la taille sont les garanties d'une œuvre aboutie. |
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De l'Idée au Croquis
La vision d'un projet est née, le matériau est choisi et vous êtes en possession de tous les outils pour réaliser votre sculpture. Mais selon les dimensions du bloc à sculpter ou surtout s'il faut en acheter un aux dimensions, une approche plus précise est nécessaire. Ce travail permettra certainement d'affiner l'idée de départ, de la rendre encore plus concrète.
Qu'il s'agisse d'un buste, d'un corps ou même d'une forme abstraite, ces dessins d'exécution sont établis pour tracer le contour de l'œuvre. Une vue de droite, de gauche, de face, à grandeur réduite ou à grandeur d'exécution, vont permettre d'appréhender la forme et donner les bonnes proportions.
Il n'est pas nécessaire que ces dessins soient très précis, ils permettent surtout d'indiquer les principales dimensions et définissent le rapport des formes entre elles, l'équilibre et l'harmonie des lignes.
Trop souvent, lorsqu'on débute, la tendance veut que l'on travaille à plat alors que la sculpture demande du relief... Ces études vont vous permettre de mieux appréhender les volumes.
Alors, à moins que vous ne maîtrisiez parfaitement les techniques de sculpture et ne possédiez un coup d'œil et un sens des proportions exceptionnels, la réalisation de dessins paraît indispensable. | |
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Le Nombre d'Or
La composition d'une œuvre d'art c'est l'arrangement de différents éléments et de l'impression esthétique qui naît de l'harmonie de ces éléments entre eux.
Une forme, un mouvement, une couleur, ne possèdent pas de beauté intrinsèque, mais l'arrangement harmonieux de ces éléments peut procurer une émotion. L'appréciation peut varier selon les individus, mais on peut toujours retrouver quelques critères communs, quelques points de convergence entre les proportions qui nous paraissent agréable ou non. Les sentiments du beau et du laid sont donc assez communément partagés.
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| Mais si certaines proportions paraissent harmonieuses, ce n'est sans doute pas un simple hasard. Nous trouvons esthétique ce que nous rencontrons dans notre proche environnement, parfois inconsciemment. Certaines constantes se retrouvent dans les différentes expressions de la vie animale, végétale et aussi dans le corps humain. Ainsi en est-il du visage humain, dont la hauteur est en moyenne un peu supérieure à une fois et demi sa largeur. Cette proportion se retrouve dans le règne végétal, et règle par exemple l'écartement des pousses et des feuilles le long d'un rameau (phyllotaxie). Derrière la complexité apparente des formes naturelles, la spirale d'un coquillage, le cœur d'un tournesol ou la géométrie d'un cristal de roche, on peut retrouver une harmonie naturelle. L'homme a cherché et cherche encore à la retrouver dans ses créations.
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Cette proportion particulière est appelée : "nombre d'or", "section d'or" ou encore "divine proportion". C'est la valeur du rapport idéal entre deux grandeurs de même nature, comme deux longueurs, deux angles ou deux nombres de branches.
Ce nombre est irrationnel comme “pi” et son symbole est “phi” Φ en hommage à Phidias qui l'utilisa dans la construction du
Parthénon d'Athènes.
La valeur du nombre d'or est de 1,618 (Φ = (1+√5) ÷ 2 ≈ 1,6180339887...).
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Êtes-vous un esthète ?...
Trouvez le Rectangle d'Or en cliquant ici | |
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Depuis toujours on s'est attaché à explorer les propriétés du nombre d'or. On trouve des traces de cette recherche dans les antiques légendes qui entourent la construction du temple de Salomon, des pyramides d'Egypte ou dans l'architecture des temples Grecs. Les compagnons bâtisseurs du Moyen-Age se sont transmis ce savoir et les artistes de la Renaissance et des classiques, les philosophes et des théoriciens modernes l'ont ensuite utilisé.
L'architecte Le Corbusier s'en est servi pour élaborer son outil de mesure : Le MODULOR (contraction de module et nombre d'or). C'est un système de proportions, une échelle architecturale étalonnée par rapport à un homme de taille moyenne (1,83 m) permettant à l'homme de se sentir chez lui comme dans un environnement absolument naturel où le nombre d'or est omniprésent.
le Modulor est aujourd'hui toujours considéré comme référence en architecture et à permis de vulgariser Phi auprès des autres domaines comme le design.
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| Les figures suivantes montrent le tracé des principales formes géométriques aux divines proportions
(cliquez sur l'image pour découvrir leurs tracés au compas)
Tracés du rectangle d'or et de la section dorée |
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Tracés des triangles d'or |
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Exemples d'applications simplistes en sculpture |
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En sculpture classique, la connaissance des proportions ne remplace pas le sens de l'observation de l'artiste, mais quelques notions d'anatomie permettent d'éviter les erreurs. Connaître les bases théoriques de l'anatomie permet de mieux styliser, même si notre style est très éloigné du réalisme.
Bien entendu, il existe des différences morphologiques entre chaque individu, les règles générales que nous indiquons ici reflètent une vision idéale, sans tenir compte de la diversité humaine. Elles servent uniquement de point de départ à votre talent de créateur.
Il est malgré tout possible de déterminer une anatomie applicable à tout être humain normalement constitué. Selon les époques, un idéal de beauté a été instauré et appliqué dans la réalisation des œuvres d'art.
Depuis l'antiquité jusqu'au début du 20ème siècle, l'étude des proportions du corps humain représente au plus juste la réalité de la forme humaine telle que nos yeux la perçoivent. Il faudra attendre le 20ème siècle pour que les artistes tentent de donner une représentation différente de la réalité.
Dès l'antiquité, les sculpteurs établissent un rapport entre la taille de la tête et celle du corps. La proportion considérée comme la plus belle est le canon à neuf têtes.
Ainsi, pour une hauteur de tête de 20 cm - prise du sommet du crâne à la base du menton - on obtient une statue d'une hauteur totale de 180 cm (20 fois 9).
Bien entendu, les artistes ne sont pas sans savoir que les corps humains offrent une grande variété de profils et de proportions. Alors, ils adaptent ces proportions en fonction du sujet de l'œuvre. Ainsi, les divinités mineures (faunes, Bacchus, Silène etc…) sont représentées avec des proportions de sept têtes à sept têtes et demie quand des divinités plus nobles, tel Apollon, ont une proportion de dix têtes, ce qui leur donne une apparence plus élancée.
| Un sculpteur grec, Polyclète (Ve siècle av. J.-C.), entrepris de démontrer les rapports de grandeur dans lesquels la nature place la perfection des formes humaines. Il réalise une statue, le Doryphore - ou Porteur de lance (ci-contre), dont toutes les parties sont entre elles dans une proportion parfaite. Il atteint si bien son but, qu'à son époque, la statue est considérée comme un chef d'œuvre incontestable et influence tous ses contemporains et bien au delà.
Dans le Canon (ou Règle) de Polyclète, la tête entre au total sept fois dans la hauteur du corps, deux fois entre les genoux et les pieds, deux fois dans la largeur des épaules et deux fois dans la hauteur du torse. |
En résumé, les principaux canons utilisés en sculpture sont les suivants :
Sept têtes et demi : il représente un homme de taille petite à taille moyenne - 1,65 à 1,70 m - assez trapu, avec une tête légèrement disproportionnée par rapport au corps, aux cuisses et aux jambes
Huit têtes et demi, à neuf fois la tête : il représente un homme à la taille et aux proportions exceptionnelles. Ce canon est généralement utilisé pour représenter les héros légendaires...
Huit têtes ou Canon de Lysippe (sculpteur grec - IVe siècle av. J.-C. ) est le plus couramment utilisé en dessin comme en sculpture. Il représente un homme de grande taille - 1,85 m - athlétique. Dans ce schéma, l'équilibre des proportions entre la tête et les autres parties du corps est parfait. |
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| Bien plus tard, à la Renaissance, Léonard de Vinci mesure toutes les parties du corps humain en reprenant l'étude de l'architecte romain Vitruve. Il dessine ainsi son célèbre "Homme de Vitruve". Le corps idéal de Léonard de Vinci s'inscrit au repos dans un carré, et se tient au contact du cercle parfait à l'extrême limite de ses possibilités. Léonard écrit à propos de son dessin :
L'architecte Vitruve écrit dans son œuvre d'architecture que les mesures de l'homme sont données par la nature de cette manière : le centre du corps humain est par nature le nombril, en effet, si un homme se couche sur le dos, pieds et mains élargis, et si on pointe un compas sur son nombril, il touchera tangentiellement, en décrivant un cercle, l'extrémité des doigts de ses mains et de ses pieds. | |
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| Les Proportions du Visage
Pour structurer le visage, plusieurs axes déterminent le bon emplacement de chacune des parties qui le compose.
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Verticalement :
- De face, de la base du menton jusqu'au sommet du crâne, un axe passant par les pupilles partage le visage en deux parties égales.
- De profil, la zone entre l'implantation des cheveux et la base du menton est découpée en tiers égaux qui passent par la base du nez et des sourcils.
- Le tiers du bas est lui même partagé en trois parties égales. Celle du haut donne la distance entre la base du nez et l'entre deux lèvres.
- Horizontalement :
- De face, la largeur de la tête est découpée en 5 parties égales. Au centre, la largeur du nez est dans le même alignement que le coin des yeux. De part et d'autre, 1/5èm donne la largeur des yeux, 1/5èm donne la distance entre le coin des yeux et l'oreille.
- Les pupilles et les commissures des lèvres sont alignées verticalement.
- De profil, l'oreille est collée à droite d'un axe qui sépare la tête en deux parties égales.
- Les yeux sont alignés avec la commissure des lèvres.
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| Le Corps en Mouvement
Maintenant que nous avons en mains les éléments de proportions, il faut apprendre à dessiner le corps humain en mouvement.
Pour définir un mouvement le plus simplement possible, il faut en dessiner les axes et les volumes plutôt que d'essayer d'affiner des détails. N'oublions pas que nous allons travailler en taille directe et que ce que nous recherchons ici c'est une harmonie d'ensemble qui servira de départ pour un travail de qualité.
En dessinant des cylindres et des sphères reliés par quelques traits nous obtenons une silhouette qui sera bien suffisante pour proportionner correctement le corps et le placer dans l'espace.
Ces volumes simples permettent de ne rien oublier et de penser en ronde bosse plutôt qu'en 2D. Si vous voulez réaliser une pose complexe, c'est la meilleure façon d'avoir une base saine pour commencer à travailler. | |
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La Mise au Carreau
La mise au carreau est une technique qui peut être utilisée pour faciliter la reproduction d'un croquis à la même échelle ou a une échelle différente sur le bloc à sculpter. Elle facilite le travail de recherche des reproductions en décomposant les formes et les tracés en sections.
Cette technique est plutôt utilisée dans les arts du dessin et de la peinture, mais elle peut se révéler très utile pour la composition d'une œuvre de grande dimension ou lors du tracé d'un bas-relief.
La méthode est simple, il suffit de tracer une grille sur votre croquis à une échelle suffisamment précise pour obtenir certains détails et de reporter cette grille sur le bloc ou la dalle à sculpter, telle quelle ou à une échelle supérieure. Un tracé précis du croquis peut alors être effectué à la craie grasse ou au crayon.
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La Préparation du Bloc de Pierre
Si vous avez commandé à votre fournisseur un bloc scié sur ses 6 faces ou si vous possédez une débiteuse pour scier des faces propres, cette rubrique ne vous concerne pas. Vous allez pouvoir commencer la sculpture sans attendre.
Il est bien entendu possible de sculpter un bloc brut aux faces irrégulières, mais cela rend compliqué le tracé des lignes directrices. De plus, il faut prendre soin de bien scruter et sonner le bloc pour prendre en compte ses éventuels défauts qui sont généralement plus visibles sur une face sciée...
Dans tous les cas, un travail est indispensable. Il consiste à donner une assise au bloc, une base, sur laquelle il pourra être posé en restant parfaitement stable pour la sculpture.
La technique est la même que celle employée en taille de pierre pour équarrir la première face d'un bloc brut. Lorsque la base du bloc à sculpter a été choisie, le bloc est retourné et calé perpendiculairement au sol. Deux opérateurs sont nécessaires pour tenir 2 règles (à niveau à bulle ou non). Elles sont tenues de part et d'autre du bloc et alignées à l'œil. Deux tracés marquent ces alignements et sont rejoints de façon à faire le tour du bloc. La face est taillée à partir de ce trait et aplanie. Le bloc peut être retourné et posé sur sa base. | |
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Tracé et Épannelage
Nous avons vu plus haut que la réalisation de croquis permet de reporter sur le bloc à sculpter les principales proportions. Pour ne pas se perdre dans ses repères qui s'effacent au fur et à mesure de la taille, des gabarits des profils grandeur nature peuvent être réalisés en matériaux rigides (carton ou contreplaqué). Ils vont faciliter le marquage et assurer la constance des repères. Cette méthode peut se révéler pratiquement indispensable lorsque la sculpture est composée de plusieurs blocs qui s'assemblent entre eux.
Le sculpteur impulsif et sûr de lui peut bien entendu faire abstraction de tous dessins et gabarits. La taille directe prend alors tout son sens...
Quoi qu'il en soit, il est préférable d'effectuer un tracé même succinct de la forme sur toutes les faces du bloc. On utilise pour cela une craie grasse ou un crayon de tailleur de pierre. Ces profils, sans détails, permettent d'effectuer un premier travail : l'épannelage.
L'épannelage précède le dégrossissage. Il consiste à tracer et à tailler des plans intermédiaires. Ces volumes de forme géométrique (parallélépipède, pan coupé, chanfrein...) approchent la forme de la sculpture en éliminant les parties les plus massives.
Plus cette opération est précise, plus le dégrossissage suivant est facilité. On doit cependant prendre soin de ne pas fragiliser certaines zones et penser à se réserver une marge, un "gras de taille" suffisant.
Selon la dureté du matériau sculpté, ce travail est réalisé avec une scie égoïne au carbure (pierres tendres) ou une disqueuse (pierres fermes à dures) et aux ciseaux gradine (main ou pneumatique). Le surfaçage peut être effectué à la ponceuse (pierres dures) ou au chemin de fer (pierres tendres à fermes).
Même si cette taille ne requiers pas une finition irréprochable, l'équerrage entre les faces est vérifié et la planéité contrôlée à la règle. | |
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Le Dégrossissage et la Finition
L'épannelage qui précède a théoriquement permis de supprimer les parties les plus massives de la sculpture. Le dégrossi peut être maintenant réalisé au ciseau gradine (main ou pneumatique). Attention aux marques qui peuvent être laissées involontairement par les dents de la gradine. Le travail de rapprochement est affiné au ciseau bretté. Ce sont les ciseaux droits et la gouge qui vont permettre d'obtenir le rendu du modelé et l'approche de la forme finale.
Durant toutes ces opérations de taille les lignes directrices de la forme doivent être régulièrement retracées sur la pierre pour ne pas s'en éloigner et enlever trop de matière. Il faut savoir aussi stopper un instant la taille et prendre du recul pour observer son travail sous tous les angles. Cela permet d'apprécier l'enchaînement des volumes et surtout d'éviter les erreurs.
Pour affiner les détails, la sculpture est ensuite grattée à la râpe et aux rifloirs et poncée à l'abrasif jusqu'à la finition adoucie, ou polie, selon la finition souhaitée. | |
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N'oublions pas qu'en taille directe, le projet initial peut être modifié a tout moment au profit d'un autre suggéré par l'inspiration, la sensation avec la matière, ou même obligé par les aléas du matériau. C'est tout l'avantage de cette méthode qui accorde au sculpteur une grande liberté d'expression.
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