L'ART DE LA LETTRE

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GRAVURE SUR PIERRE ou GRAVURE LAPIDAIRE



SON HISTOIRE
  La Préhistoire prend fin avec la naissance de l'écriture environ 3500 ans avant notre ère. Au début c'est l'idéographie des Summériens qui va permettre de noter la pensée abstraite, puis les Phéniciens vont simplifier l'écriture en passant de centaines de signes à vingt deux signes : le premier alphabet il y a environ 2000 ans avant notre ère.


Idéographie - Summer
        
Système syllabique Cunéiforme
        
Premier alphabet Phéniciens

  Toutes les formes d'écritures alphabétiques que nous consommons au quotidien en Occident sont le prolongement de la capitale romaine, née de la pierre il y a plus de 2000 ans, elle-même dans le prolongement de l'Égypte, de Summer et de la Grèce.
En monumentalisant leurs inscriptions, les Romains vont rendre cette capitale solennelle, sévère, élégante et raffinée. Elle va inspirer aux peuples conquis un sentiment de respect et de soumission, de force et de rigueur.


Grèce - IXe au IVe siècle avant J.-C.
        
Capitale romaine Ier siècle
  Partant de là, les écritures vont évoluer, les inscriptions lapidaires resteront en capitale jusqu'après la naissance de l'imprimerie au XIVe siècle où des formes d'écritures vont être adaptées au livre.

Typographie - Alde MANUCE (1449 - 1515)

Geoffroy TORY (1480 - 1533)
  À la Renaissance, l'engouement pour la construction géométrique des capitales à l'aide de la règle et du compas s'écarte de la démarche des anciens graveurs romains et a mené à maintes erreurs ainsi qu'à une perte de la sensibilité.
  Ceci n'est pas sans conséquences, car jusqu'à notre époque nous payons les malentendus qui ont acquis, en raison de leur ancienneté, une certaine autorité.
Peu à peu, l'expérience du tracé libre des lettres par les graveurs lapidaires du début de l'ère chrétienne va se perdre, et les contemporains vont s'inspirer des caractères typographiques qui au départ ne sont pas conçus pour la pierre.

Caractère typographique DIDOT
  Au XVIIIe siècle apparaissent les caractères DIDOT qui vont influencer plusieurs générations de tailleurs de pierre. Ce sont des caractères qui expriment une absolue sobriété et la maîtrise parfaite des sentiments.

  Caractères glacés de l'Empire, statiques et austères que l'on retrouve sur la majorité des monuments en France jusqu'à nos jours. Il est dommage que l'on ai rompu avec la tendance humaniste du XVe siècle.

Influence DIDOT

Éric GILL (1909)
  En 1860, le mouvement anglais Arts & Crafts dont l'intention était d'associer l'art et le travail émerge lentement de l'ère industrielle et va permettre un renouveau de la gravure lapidaire chez les Britanniques notamment avec Éric GILL (1882-1940), un sculpteur, qui va s'intéresser aux caractères typographiques et les adapter à la pierre selon la méthode des anciens Romains.
Ce mouvement va évoluer sur quarante ans et donner naissance en France à l'Art Nouveau en 1890.
  En 1946, Jean-Claude LAMBOROT (1921-2004), un Compagnon tailleur, de pierre réalise cinq modèles d'alphabets en s'inspirant de caractères typographiques du XVe siècle et y adapte une grille de construction.
Jean-Claude, avec sa philosophie et sa poésie, a fortement contribué à un réveil de la gravure sur pierre en France. Mais les cours proposés alors à Lyon ne sont enseignés que par intermittence et le tracé des lettres avec une grille n'attire pas les jeunes tailleurs de pierre.

  Ensuite, la formation est restée longtemps empirique, axée seulement sur la perfection technique, avec une inculture de la typographie et de l'Art Graphique, des alphabets sans goût et une méconnaissance totale de la mise en page.
  La technique actuelle de certains graveurs consiste en une attaque frontale du trait de chaque côté de la graisse de la lettre avec le ciseau, ce qui ne permet pas la réalisation d'entailles courbes. Cette gravure sur pierre contemporaine, sans grâce, est réalisée sans aucune volonté esthétique, mais avec un fonctionnalisme de base : lisibilité, c'est tout, facilité et rapidité d'exécution par une mécanisation du geste.
La lettre de pierre n'a plus aucune authenticité. Pourtant, la forme d'une lettre se mesure par l'esprit qui l'habite et non par l'outil traceur. Chaque fois, l'homme choisit son outil pour en faire le prolongement de sa main que guide toujours son esprit.
  Depuis plus de deux mille ans, pour réaliser une inscription gréco-romaine vivante, on positionne le ciseau à environ 45° que l'on fait avancer par petites frappes successives permettant ainsi de dessiner avec le ciseau. Et le dessin est primordial.

  En 1967 se crée l'atelier du Scriptorium au sein de l'École des Beaux-Arts de Toulouse, et Bernard ARIN (1938-2019) est un des principaux acteurs du renouveau de l'Art Graphique en France.
Il va humaniser le dessin de la lettre et sortir des grilles de constructions. Entre autres, il enverra des élèves en Angleterre, non pas pour apprendre le dessin des lettres qu'il connaissait mais pour redécouvrir la technique manuelle de la gravure sur pierre.

  Dans les années 1980 sévissent les techniques de sablage basées sur une économie de profit et négligeant nos impératifs culturels. Le sablage est réalisé d'après des pochoirs découpés par assistance informatique, et pratiqué par des personnes qui n'ont aucune culture ni typographique, ni graphique, ni lapidaire.
Pour celui qui n'a pas les fondements du métier, l'outil informatique est générateur d'un nivellement par le bas, d'un résultat sans âme ni sensibilité, froid et asseptisé.
Remplacer la gravure manuelle par du sablage est aussi pratique que de remplacer les vitraux par des Vélux (JRC)
Le sablage n'est pas de la gravure.
  Sauvons notre santé culturelle. Nous sommes dans une société de production (voire de reproduction) au détriment de la création. La gravure lapidaire de commande est un art appliqué, c'est-à-dire qu'il est nécessaire de savoir répondre à une demande, utiliser son imagination en gardant toujours à l'esprit les intentions du client.
Aujourd'hui, certains graveurs n'ont pas assez de bases fondamentales pour s'exprimer et prennent souvent une démarche d'artiste plasticien. Il en résulte une inspiration débordante sans consistance.


DOMAINES D'APPLICATION
  De la naissance jusqu'à la mort, en passant par toutes les étapes de l'existence, rythmée d'évènements tristes ou joyeux, la tradition ancienne consiste à graver des mots dans la pierre pour honorer la vie. Que ce soit dans un lieu privé, dans un espace public ou dans un site sacré, les souvenirs mémorables sont ainsi inscrits pour les générations futures.

  L'art funéraire est ce qui vient en premier à l'idée de ce métier, mais au lieu d'élever des masses polies inutiles, souvent un simple rocher est plus vénérable en le consacrant à la vertu par une belle inscription.

Atelier INSCRIPTVM - R. Giuglardo    

  Bien d'autres domaines d'applications font partie du paysage social : monuments publics ou privés, art sacré, cénotaphes, signalétique, enseignes, identités typographiques, plaques de rues, commémorations, noms de lieux, cadrans solaires, chemins d'écritures, poésie, devises... Toutes inscriptions et tout ce qui ne doit pas être oublié.
        
Atelier INSCRIPTVM - R. Giuglardo
        
Atelier INSCRIPTVM - R. Giuglardo




APPRENDRE
  Chez les Britanniques et les Germains la gravure lapidaire et le dessin de lettres sont considérés et respectés comme un art à part entière et leur qualité est remarquable ; avec l'expression de leur culture respective.
Dans notre pays ce métier mérite de retrouver son identité, sa noblesse et son envergure, dans le prolongement des anciens graveurs romains en passant par toutes les étapes de l'évolution pour comprendre la Lettre. Et il y a une réelle demande de personnes qui veulent du beau et de l'émotion.
Le granite poli doit être banni des monuments funéraires car ce n'est pas une forme géologique calme qui permet de se reposer devant un monument quel qu'il soit. Sauf dans des régions de granite. Le calcaire est d'une création géologique calme qui invite à l'apaisement. Voyez-vous beaucoup d'anciens monuments en granite poli ?...

  L'art de graver la pierre passe par une connaissance technique de la matière ainsi que par l'étude de la paléographie et une maîtrise du dessin des lettres. Une lettre n'est rien qu'un son que l'on dessine pour supporter le verbe et la pensée. Le choix des formes dessinées donne la couleur du verbe, l'intonation, le caractère souhaité.
Le trait gravé (glyphe) est en V pour permettre à l'ombre et à la lumière de donner la vie aux caractères, ainsi que pour une meilleure pérennité, alliant message et émotion. C'est l'essence de la parole qui est ainsi restituée.

  Il ne faut plus associer ce métier à la marbrerie qui est elle-même associée aux pompes funèbres (ce sont eux qui sablent), mais il se doit de bon sens d'associer cette pratique à la taille de pierre.

  Le graveur de pierre est aussi tailleur d'images, soit en synthétisant le sujet par des lignes plus ou moins fines gravées sur la surface du support, soit selon des techniques de basse taille tel l'in cavo-rilievo (relief en creux) dont l'image est sculptée dans la pierre mais ses points les plus hauts sont toujours au même niveau que la surface du support (gravure égyptienne).

Atelier INSCRIPTVM
R. Giuglardo
  La conception d'un monument ou simplement d'une inscription doit demander réflexion, car devant un tel édifice, tout modeste soit-il, va s'opérer une alchimie faisant partie du plus profond de l'être : l'affectif.

  Sur le plan de l'apprentissage, il est primordial de connaître la capitale dessinée sous toutes ses formes, d'en comprendre ses subtilités aussi variées qu'infinies de par son tempérament à la fois constructiviste et éthéré. La capitale gréco-romaine est née de la pierre il y a plus de deux mille ans et elle s'adapte à tous les styles d'architectures. Elle est le fondement de l'écriture latine, elle est inhérente à la pierre et à l'humain. Dès que le dessin de la capitale est assimilé, et que bien sûr la technique de la gravure manuelle est acquise, il devient alors opportun de passer à l'apprentissage des principales écritures latines en vue de les adapter à la gravure (il y a bien sûr le dessin des chiffres à connaître). La calligraphie est née du geste sur le papier, la graver directement est une séduction obsolescente. Il est plus convenant, par le dessin et le ciseau, de donner un caractère lapidaire à ces formes scripturales, de ‘‘penser pierre''.

  Rodolphe Giuglardo propose des formations sous forme de stages de cinq jours, dans le prolongement de ceux qui lui ont transmis. Bien sûr on ne devient pas graveur lapidaire en cinq jours, mais au bout de cinq jours on est capable de ‘‘faire'' de la gravure en capitales. Chaque module est évidemment évolutif et la progression est intarissable.

Texte et images : Rodolphe Giuglardo
Visitez le site : www.legraveurdepierre.com
Et la page facebook : INSCRIPTVM - Académie de gravure sur pierre









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