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LES P'TITES HISTOIRES
Pour les Petits et Grands N'enfants ...

CHAPEAU LES TAILLEURS ! par Christian Salina

  Ah ce voyage à Carrare... Pour un pierreux comme moi qui n'est jamais sorti de son bouge poussiéreux, c'est comme ouvrir un coffre fort à un vieux brigand... Alors, je me suis servi...

  Mais je ne suis pas là pour vous raconter mon voyage en détail, et puis si vous avez un jour le bonheur de vous y rendre vous aurez tout le loisir de découvrir et sûrement d'apprécier par vous-même... Car c'est certain, que vous aimiez la pierre ou pas, vous serez inévitablement impressionnés par le site.
  Au pied de la ville de Carrare se dresse une surprenante montagne. Et ce qu'on pourrait prendre au premier abord pour des neiges éternelles sont en fait les stigmates laissés par les hommes qui arrachent toujours et encore le marbre blanc.
Lorsqu'on se rapproche de la montagne, on est encore un peu plus marqué par les immenses plaies blanches sur ses flancs et par les routes en lacets qui serpentent comme des veines.  


  Je me suis offert quelques minutes de contemplation depuis un belvédère qui faisait face au Monte Sagro. J'étais un peu déstabilisé, à la fois fasciné par l'ampleur du travail effectué par les carriers, mais aussi mal à l'aise face aux plaies laissées dans la montagne. Les zones grises des anciennes exploitations sont encore visibles, abandonnées telles quelles... On a prélevé le marbre partout et j'imagine que tous les chemins qui disparaissent derrière la montagne mènent vers d'autres innombrables exploitations. Certes, je suis face à un site historique, c'est avec cette roche que les plus grands sculpteurs italiens ont œuvré et, encore aujourd'hui, le marbre de Carrare est recherché partout dans le monde... Mais a-t-on le droit de faire cela ?...
  Et comme ce n'est pas suffisant, les carriers vont chercher le marbre au cœur même de la montagne.
Pour quelques euros, "Marmo Tour" vous affuble d'un casque et vous transporte à travers les entrailles de la carrière Fantiscitti à bord d'un 4x4.
Lâché au beau milieu d'une immense cavité, sous un ciel de carrière situé à près de 15 mètres, on est encore frappé par la démesure des fronts de taille.
  Et tout autour de ce gisement en perpétuelle ébullition, on a l'impression que tous les carriers, marbriers, sculpteurs et autres tailleurs d'Italie sont venus s'installer, tels des ogres affamés de pierre fraîche. Les industries liées au travail de la pierre ne sont pas en manque. Elles proposent une vaste gamme, du concasseur au robot sculpteur...

  Dans les cours des entreprises on aperçoit des sculpteurs occupés à tailler d'imposantes sculptures aux formes parfois encore abstraites.

  Pratiquement tous les ateliers sont accessibles, on circule alors au milieu des œuvres amoncelées dans un joyeux mélange de styles. L'art est partout, dessiné, modelé, sculpté par des artistes. Concentrés sur leurs ouvrages, ils ne font même plus attention aux visiteurs...

  Mais il faut bien que j'en aborde un, on a le même métier après tout... En poussant la porte d'un petit hangar en tôle je découvre un atelier gorgé de sculptures au fond duquel un ancien scapellino travaille dans un nuage de poussière.
  Je m'approche et je vois qu'il est occupé au ponçage du socle d'un petit buste en marbre. Plutôt que de s'arrêter, il me fait un signe de tête pour me faire comprendre qu'il a besoin de mon aide...
Je me retrouve à tenir sa petite sculpture pour qu'il puisse adoucir les faces et une fois terminé, il me remercie d'une poignée de main chaleureuse.
Il parle 4 mots de français et moi 3 d'italien, alors il est possible d'échanger quelques phrases... Il me dit qu'il connaît un peu la France et la Bourgogne, mais pas une seule de ses pierres, le malheureux !...
  Je lui fais part tant bien que mal des impressions qui émaillent ma visite dans sa belle région et de l'ambiance que j'ai trouvé incroyable tant l'esprit de création permanente règne ici. Une certaine exaltation que je n'ai jamais ressentie par ailleurs...
Il me parle de son atelier ou il accueille de nombreux apprentis sculpteurs arrivant des 4 coins du monde et de ses affaires qui paraissent florissantes... En un mot, pour lui, le marbre d'ici est la plus belle matière qui existe et l'artiste italien un sculpteur sans égal sur cette terre...
  Et allez savoir pourquoi, peut être pour le calmer, notre conversation dérive sur son chapeau en papier... Il est vrai que depuis mon arrivée, j'ai croisé beaucoup de sculpteurs souvent coiffés de journaux pliés en guise de coiffe...
Il me confirme que c'est courant ici : " On voit la gazzetta et on garde pour le cappello... " et il me montre un paquet de journaux empilé sur un coin d'établi...

  Comme je cherche du regard à imaginer de quelle façon il a bien pu plier son journal, il me tire par le bras et me montre comment faire... Pas peu fier, je suis donc retourné dans ma Bourgogne natale avec un "cappello" italien dans mes bagages. Et de là à dire qu'il s'agit du meilleur souvenir rapporté de mon voyage en Italie, il n'y a pas loin...

Voilà la pièce, intacte et "made in Italia"...
~
Je suis donc en mesure aujourd'hui de vous décrire en détail la manière de plier un véritable "cappello di giornale" de "Scalpellino italiano"....

Accrochez-vous !...





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